La grève dans le secteur public et les délégations de service public

La grève

La grève est une cessation collective et concertée de travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Le droit de grève est un droit fondamental reconnu à tous les salariés par la Constitution française et les textes internationaux.

Le droit de grève est souvent l’ultime recours pour obliger l’employeur à s’asseoir à la table des négociations, il est l’un des principaux contre-pouvoirs à la disposition des salariés : il leur permet en effet de se remettre sur un pied d’égalité avec leur employeur.

De la même manière que dans le secteur privé, la grève doit avoir pour objet la satisfaction de revendications professionnelles. De même, sont interdites dans le secteur public les grèves perlées ou grèves du zèle. D’autres règles sont cependant spécifiques au secteur public, en général, fondées sur la conciliation entre le droit de grève et le principe de continuité du service public.

Interdiction des grèves tournantes

L’heure de début de la grève indiquée dans le préavis doit être commune à tous les membres du personnel (C. trav. art. L. 2512-3). La loi de 1963 interdit ainsi les grèves tournantes, consistant à cesser le travail à tour de rôle entre les différentes catégories de personnel.

L’obligation de déposer un préavis

Selon l’article L. 2512-1 du Code du travail, la cessation concertée du travail doit être précédée d’un préavis.

Le droit de grève est réglementé pour les personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsqu’ils sont chargés de la gestion d’un service public.

Les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée du préavis (Cass. soc. 12 janv. 1999, n° 96-45659). Ainsi, ils peuvent parfaitement ne faire qu’une journée de grève.

Il est également possible de rejoindre le mouvement de grève à tout moment, peu importe de ne pas y avoir participé dès l’origine. De même, un salarié gréviste peut toujours quitter le mouvement avant son terme, toutefois, si la reprise du travail s’avère impossible, il lui appartiendra, afin d’obtenir le paiement de son salaire, de démontrer qu’il entendait reprendre le travail avant la fin du conflit (Cass. soc. 15 janv. 2003, n° 00-46858).

Pendant la durée du préavis, les parties – organisations syndicales et employeur – sont tenues de négocier. Toutefois, les textes ne précisent pas sur quelle partie repose l’initiative des négociations.

Qui doit réaliser le préavis ?

Le préavis doit émaner d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé (C. trav. art. L. 2512-2).

La loi instaure donc un monopole de déclenchement de la grève en faveur des organisations syndicales représentatives. Cependant, rien n’empêche une organisation syndicale non représentative de se joindre à un mouvement initié par un syndicat représentatif.

Contenu et forme du préavis

Le préavis précise :

  • les motifs du recours à la grève
  • le champ géographique
  • la date et l’heure du début
  • la durée envisagée, limitée ou non, de la grève.

Plusieurs organisations syndicales représentatives peuvent déposer chacune un préavis et prévoir, chacune, une date de cessation du travail différente (Cass. soc. 4 fév. 2004, n° 01-15709). De même, un préavis unique peut porter sur des arrêts de travail d’une durée limitée étalés sur plusieurs jours (Cass. soc. 7 juin 2006, n° 04-17116). Une même organisation syndicale peut encore envoyer des préavis successifs, y compris pour le même motif, dès lors qu’elle respecte son obligation de négocier (Cass. soc. 25 janv. 2012, n° 10-26237).

Aucune forme n’est en principe requise s’agissant de l’envoi du préavis, le seul impératif étant de pouvoir justifier de la date d’envoi. Ainsi, l’envoi du préavis par télécopie est licite (Cass. soc. 25 janv. 2012, n° 10-26237). Toutefois, une annonce de la grève faite dans la presse ne peut être considérée comme valant dépôt de préavis (Cass. soc. 13 oct. 1976, n° 75-40178).

Qui est le destinataire du préavis ?

Le préavis est adressé à la direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé.

Délai dans lequel le préavis doit être déposé

La grève doit être précédée d’un préavis de cinq jours francs au minimum. Le jour de la réception du préavis ne compte pas comme premier jour du délai (Cass. crim. 10 mai 1994, n° 93-82603), peu importe que l’employeur en ait pris connaissance plus tard.

Ce délai de cinq jours n’est pas soumis à l’article 642 du Code de procédure civile qui prévoit notamment que « le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant » (Cass. soc. 30 mars 2010, n° 09-13065). La grève pourra commencer le sixième jour.

Par exemple, si un préavis est envoyé un jeudi, le délai commence à courir dès le lendemain, c’est-à dire le vendredi et la grève pourra commencer, au plus tôt, le mercredi suivant.

Suspension du préavis

L’employeur qui estime que le préavis est irrégulier peut saisir le juge des référés, qui pourra suspendre le préavis ou le mouvement. L’action est alors dirigée à l’encontre des organisations syndicales. L’employeur ne peut se faire juge lui-même de la validité d’un préavis lorsqu’il répond aux conditions formelles posées par le Code du travail (délai de cinq jours francs, etc.).

En principe, il n’est donc pas possible de tenter de faire pression sur les salariés en affirmant que le préavis est irrégulier afin de les inciter à renoncer à la grève.

Sanction de la non-observation du préavis

L’inobservation des dispositions relatives au droit de grève dans le secteur public entraîne l’application des sanctions prévues par les statuts ou par les règles concernant les personnels intéressés (C. trav. art. L. 2512-4).

Néanmoins, il est admis que la simple participation à un mouvement de grève irrégulier ne constitue pas une faute lourde justifiant une sanction disciplinaire, en l’absence de « notification de l’employeur attirant leur attention sur l’obligation de préavis » (Cass. soc. 11 janv. 2007, n° 05-40663). Dès lors, à défaut d’information de l’employeur, la simple participation à un mouvement illicite, alors que le délai de prévenance a bien été respecté, n’est constitutive d’aucune faute (Cass. soc. 25 fév. 2003, n° 00-44339).

Il en va autrement des organisations syndicales qui ont appelé à la grève alors que le mouvement était illicite. Leur responsabilité pourrait être engagée. Il s’agit de leur responsabilité délictuelle qui suppose un préjudice pour l’entreprise, une faute commise par l’organisation syndicale ainsi qu’un lien de causalité entre les deux.

Assignation de salariés par la direction

En l’absence de toute disposition législative en ce sens, le juge administratif a autorisé la désignation de personnel gréviste pour assurer un service minimum (Cons. ét. 7 juil. 1950, Dehaene, Rec. n° 01645).

Cette désignation suppose que le nombre de salariés non grévistes soit insuffisant pour assurer le fonctionnement du service.

Elle ne saurait avoir pour objet et pour effet de contraindre l’ensemble des personnels du service visé à remplir un service normal mais seulement de répondre de la continuité des fonctions indispensables (Cons. ét. 15 juil. 2009, Rec. n° 329526).

La désignation peut avoir lieu dans un service public mais également dans une entreprise privée chargée de service public (Cons. ét. 15 juil. 2009, précité).

Cette désignation est effectuée par l’autorité hiérarchique, et notifiée individuellement à chaque salarié exerçant les fonctions nécessaires à la continuité du service public. Elle doit se limiter strictement aux services publics indispensables. Un agent qui ne se conformerait pas à une désignation régulière commettrait une faute disciplinaire et serait passible de sanctions.

Ne pas confondre réquisition et assignation

L’article 3 de la loi 2003-239 du 18 Mars 2003 instaure le pouvoir de réquisition du préfet sur le personnel public de santé. Cette réquisition est une procédure écrite qui émane de l’autorité judiciaire (préfet, officier de police judiciaire,…).

Effets de la grève sur la rémunération

La rémunération pendant les périodes de grève n’est pas due. La déduction porte sur l’ensemble des éléments de la rémunération, à l’exclusion de ceux qui correspondent à des avantages familiaux ou des prestations d’action sociale. Les heures de grève n’étant pas rémunérées, elles ne sont en principe pas prises en compte pour le calcul des droits à la retraite.

Dans le secteur public, la règle selon laquelle la perte de rémunération est strictement proportionnelle à la durée de cessation du travail connaît des atténuations, différentes selon la catégorie de personnel concernée.

Entreprises privées gérant un service public

Pour les personnes concernées, la retenue est semi-forfaitaire (C. trav. art. L. 2512-5 et loi n° 82-889 du 19 oct. 1983, art. 2).

Lorsque la durée de la grève est :

  •  inférieure à une heure : la retenue correspond à 1/160 du salaire mensuel
  •  comprise entre une heure et une demi-journée:  la retenue correspond à 1/50 du salaire mensuel
  •  dépasse une demi-journée, sans excéder une journée : la retenue opérée est de 1/30 du salaire mensuel

 

Crédit photographique : Merci à la Photothèque Rouge/JMB          

 

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