Depuis plusieurs mois, le secteur sanitaire social et médico-social de la BASS (Branche Associative Sanitaire, Sociale et médico-sociale à but non lucratif) est confronté à des attaques frontales sans précédent de la part des organisations syndicales employeurs, avec un seul objectif : baisser le coût du travail via le démantèlement des conventions collectives déjà entamé avec la dénonciation partielle de la Convention Collective Nationale du Travail (CCNT) du 31.10.1951. La CCNT du 15.03.1966 est d’ailleurs visée au même titre !
Petit rappel historique
Les conventions collectives de notre champ d’activité sont le fruit de longues et dures luttes des salarié.e.s. Le 31 octobre 1951 voit la naissance de la première convention pour le secteur associatif sanitaire et médico-social, suivie par celle du 15 mars 1966, pour les établissements sociaux et médico-sociaux. En 1971 est créée la CCNT des Centres de Lutte Contre le Cancer (CLCC).
En 50 ans d’actions et de négociations, les salarié.e.s avec leurs organisations syndicales, sont parvenu.e.s à faire exister des conventions collectives qui rassemblent des garanties bien supérieures au Code du Travail.
Ces conventions collectives constituent aujourd’hui – mais pour combien de temps encore ? – un rempart face aux politiques d’austérité qui mettent à mal notre secteur.
En 1986 est née la Convention de la Croix Rouge Française, remaniée en 2003 et retoquée notamment par avenant en 2014. C’est en 1993 que la BASS (Branche Associative Sanitaire et Sociale) été constituée par des syndicats d’employeurs donnant naissance à UNIFED (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social) qui regroupe les CCNT de 1951, 1966 (y compris les accords des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale / CHRS), des CLCC et de la Croix Rouge Française.
La CCNT du 26.08.1965 ne fait pas partie de la BASS du fait de la non adhésion du syndicat des employeurs à UNIFED mais, pour autant, constitue une branche à elle seule dans ce secteur associatif à but non lucratif.
Au sein de la BASS, face aux organisations syndicales de salarié.e.s, siège donc UNIFED pour le collège employeurs (avec ses composantes d’origine FEGAPEI, SYNEAS, FEHAP, FNCLCC, Croix Rouge Française).
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Les employeurs comme les divers gouvernements successifs n’ont cessé de vouloir remettre en cause les conventions collectives (notamment en 2009 pour la CCNT 66 et en 2012 pour la CCNT 51) mais la division du patronat associatif et les mobilisations massives et unitaires des salarié.e.s ont partiellement mis en échec les stratégies patronales.
En décembre 2016, dans le champ de la CCNT 66, SYNEAS et FEGAPEI ont fusionné pour créer NEXEM, un mastodonte couvrant 3.000 associations et 300.000 salarié.e.s de la branche. Leur objectif prioritaire est de créer un nouvel environnement conventionnel qui ne serait probablement qu’un simple socle de garanties minimalistes visant à casser les « coûts salariaux », avec :
- la remise en cause des métiers au profit des fonctions et compétences
- la baisse et l’individualisation des salaires, avec l’introduction d’une part variable attribuée au seul gré de l’employeur,
- l’augmentation du temps de travail, par la suppression des congés d’ancienneté et la remise en cause des accords RTT au profit des « forfaits jours pour tous »,
- la non reconnaissance des conditions de travail spécifiques, par la suppression des congés annuels supplémentaires (congés trimestriels) …
NEXEM, rejoint par la Croix Rouge Française ont d’ores et déjà annoncé leur détermination à aller au bout de leur projet de Convention Collective Unique et Etendue que l’on peut craindre low-cost !
Cette volonté hégémonique de NEXEM sur la BASS a conduit à l’éclatement d’UNIFED, le désaccord entre les syndicats employeurs portant essentiellement sur le périmètre de « construction » d’une convention unique pour le secteur d’activité afin de remplacer celles existantes. Sur fond de représentativité syndicale patronale, NEXEM a déposé son propre dossier et a quitté UNIFED. FEHAP et UNICANCER (anciennement FNCLCC) ont parallèlement déposé un dossier sur leur périmètre conventionnel respectif, ainsi que sur le périmètre de la BASS.
Au terme de la publication des résultats de représentativité patronale, UNIFED ne devrait donc plus exister en tant que tel et ne resteraient donc plus sur la BASS que NEXEM (en partenariat avec la Croix Rouge Française) et la FEHAP (CCNT 51) et peut-être, UNICANCER pour les CLCC (qui actuellement refusent de rejoindre NEXEM sur son projet de Convention Collective Unique et Etendue).
A ce jour, toutes les conventions collectives nationales sont revues ou en cours de révision, notamment sur les grilles de classifications… avec l’objectif commun d’abaisser les garanties collectives !
Afin de lutter contre le dumping social qui s’exerce entre ces conventions, notre Fédération CGT Santé Action Sociale porte le projet d’une « CCUE CGT » mais de haut niveau !
La « guerre » entre employeurs ne préfigure au final rien de bon pour les salarié.e.s ! NEXEM ayant jugé nos conventions collectives (dont la CCNT 66) comme « inadaptées et obsolètes et ne permettant pas de répondre aux enjeux de pérennisation et d’adaptation des activités des associations » s’appuie entre autres sur l’obligation légale d’une seule convention collective étendue par branche professionnelle.
Dans le cadre des Commissions Nationales Paritaires de Négociations (CNPN) de la CCNT 66, NEXEM a annoncé début 2017 sa volonté d’aller vite sur le démarrage de la négociation pour défendre son projet de CCUE prévu pour avril 2017. Ainsi, il s’agirait d’entamer une pré-négociation d’un accord de méthode qui servirait à déterminer les modalités desdites négociations !
Rappelons que la CGT est opposée à un tel accord !
Pour nos employeurs, deux sujets principaux seront à l’ordre du jour des réunions :
- classifications/ rémunérations
- congés.
Les négociations devraient être menées thème après thème, NEXEM ne voulant visiblement pas mettre le feu au secteur en déposant, comme en 2009, leur projet global de convention.
La situation reste complexe et trouble du fait non seulement des incertitudes liées au périmètre de la négociation et au devenir de la BASS, mais également à la réforme du Code du Travail annoncée par le Gouvernement Macron, lequel compte passer en force ses réformes sous ordonnances durant cet été.
NEXEM est dans l’attente du vote des ordonnances par le Parlement pour savoir si l’ordre public conventionnel va être amplifié par la casse du Code du Travail. Autrement dit, à quelle hauteur cette réforme va t’elle accentuer la primauté des accords d’entreprise sur les accords de Branche et le Code du Travail ? Que va t’il donc être laissé à la négociation de la CCUE hormis un socle de garanties minimalistes bien loin des garanties conventionnelles existantes ?
Lors de la CNPN 66 du 24 mai 2017, NEXEM a reporté cette question à septembre 2017. Le projet de CCUE employeur est donc plus que jamais à l’ordre du jour même si la négociation est différée.
Qu’en est-il de la CCNT 66 ?
NEXEM a tiré les leçons de sa tentative de dénonciation menée en 2009 contre la CCNT 66 qui avait massivement mobilisé le secteur. Ce syndicat ne parle plus de dénonciation et dans l’attente de la finalisation de son projet de CCUE, maintient les réunions de la CNPN 66 avec les syndicats de salarié.e.s. La CGT n’est cependant pas dupe de ce sursis stratégique.
Il faut regretter que les négociations autour de la CCNT 66 soient au point mort depuis des mois, malgré les propositions d’avenants portées par la CGT toutes renvoyées à la future négociation de la CCUE !
Concernant notamment la politique salariale, la CGT n’a de cesse de dénoncer la dégradation inacceptable des salaires sur le secteur avec, pour conséquence le gel de la valeur du point, une perte de pouvoir d’achat estimée à – 26 % sur les 16 dernières années !
La CGT exige lors de chaque CNPN la revalorisation immédiate de la valeur du point à 4 euros (3,76 à ce jour), soit + 6 % d’augmentation. La dernière proposition indécente de NEXEM qui a soumis au ministère un avenant unilatéral de revalorisation du point de 2 centimes s’est vue rejetée à l’agrément !
A ce jour, dans l’attente de la négociation de leur projet de CCUE, NEXEM dit vouloir continuer à faire vivre la CCNT 66. Un souhait en trompe l’œil quand on connaît la détermination de nos employeurs à démanteler nos conquis sociaux… !
La position de la CGT
La CGT entend défendre et améliorer nos garanties collectives au travers de son propre projet de CCUE de haut niveau pour l’ensemble des salarié.e.s de notre champ.
Le projet de la CGT se donne pour objectifs principaux :
- le maintien du caractère national, garant des missions de service public et du caractère « non lucratif » de notre secteur,
- le maintien de la structuration autour des qualifications, des diplômes nationaux et métiers reconnus dans la branche.
- le maintien et l’amélioration des salaires par la reconnaissance des qualifications, de l’ancienneté et du coût de la vie : pas de salaire inférieur à 1 800 euros bruts,
- le maintien et la généralisation à toutes et tous des congés annuels supplémentaires dits « trimestriels », traduisant la reconnaissance des conditions d’exercice professionnel et la pénibilité dans notre secteur.
En outre, pour la CGT, il n’est pas question de se mettre en situation d’arbitrage dans la « guerre » qui oppose les employeurs.
La CGT ne pratiquera pas la politique de la « chaise vide » et continuera de siéger partout dans les instances de négociation.
Dans le cadre de la future négociation CCUE, la CGT pose comme préalables :
- l’amélioration des garanties conventionnelles existantes au travers d’une convention collective de haut niveau pour l’ensemble de la branche dont le périmètre sera celui couvert pat le secteur d’activité sanitaire, social et médico-social à but non lucratif,
- que la négociation se tienne sous l’égide du Ministère du Travail,
- que la convention collective unique soit étendue à l’ensemble du secteur.
Face au risque majeur de démantèlement de nos garanties collectives et à la mise en place d’une CCUE « bas de gamme » qui signerait la mort de plus de 50 ans de conquis sociaux, la CGT appelle toutes et tous les salarié.e.s du secteur à se tenir prêts en vue d’une mobilisation massive et déterminée.