Les salariés du Vieux Collège (établissement associatif qui reçoit des jeunes en convention avec l’Aide sociale à l’Enfance) ont été convoqués à un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement.
Quid du droit d’expression ?
Le directeur leur reproche d’avoir « nui » à l’image de l’établissement tout en reconnaissant qu’ils étaient sur un temps privé et citoyen de manifestation publique pour le soutien à un jeune qui se retrouvait à la rue à 18 ans après avoir bénéficié d’un accompagnement d’un éducateur de la structure.
Cette mobilisation demandait le 13 avril dernier le rétablissement du contrat jeune majeur jusqu’à 21 ans supprimé par le conseil départemental de la Haute Vienne ainsi que des moyens pour ces jeunes.
Le 2 juin,les syndicats SUD, FSU et CGT sont allés soutenir devant l’établissement les salariés qui,en démocratie,ont le droit de manifester !
Que révèle cet acte de la direction ?
Au delà, nous devons informer les citoyens et réagir à la peur instillée auprès du personnel qui gagne de nombreuses associations gestionnaires secrétant gouvernance immobile aux ordres des financeurs et management agressif.
Alors qu’elles devraient montrer l’exemple, elles instituent une norme faite de trois tendances affirmées :
1-Il s’agit d’une tendance à une gouvernance sans beaucoup de renouvellement et ne donnant pas de place aux représentants des salariés ou parfois juste une place très formelle les assignant (les réduisant,plutôt..) au seul rôle de chambre d’enregistrement.
2-Pour le management dans ces structures, la tendance est à un management par le stress. En sus, les difficultés pour appliquer la convention collective ou même le code du travail deviennent communes ,en particulier pour les accords sur le temps de travail: non paiement des heures complémentaires et supplémentaires. A ces problèmes pour appliquer la législation, peuvent s’ajouter des «faisant fonction» dont la qualification réellement exercée n’est pas reconnue…etc.
3- On note une tendance à la taylorisation (division des tâches), à la perte de qualification (manque pour le public reçu) et à la « soumission librement consentie à l’autorité ».
Danilo Martucelli appelle ainsi le fait de donner des responsabilités qui ne correspondent pas à leur statut et à leur degré d’initiative à des salariés opérationnels ou(et) à des cadres intermédiaires.
Cette hyper responsabilisation s’entoure d’une surcharge de travail et d’une emprise psychologique du responsable hiérarchique visant à « soumettre» la personne.
Les valeurs de l’économie sociale et solidaire sacrifiées
Au lieu d’un management favorisant les coopérations dans « l’entreprise associative », cette façon de manager entraîne :
a) une régulation individuelle des rapports sociaux au travail cassant l’idée de collectif.
b) une banalisation par les directions des effets de cette tendance (retrait,repli ou isolement de certains salariés qui sont désignés comme boucs émissaires.)
c) une atmosphère de travail peu porteuse de sécurité et peu motivante
d) une philosophie de travail se référant à une culture de l’organisation et non plus au projet associatif avec des appels incessants à la « mutualisation et à la transversalité »
Ces nouvelles tendances interpellent vraiment après deux siècles les valeurs de l’Economie sociale et solidaire dans sa famille associative !
Le besoin de techniciens zélés et plus « soumis » remplacerait-il la volonté de transformation sociale des associations gestionnaires du XXIéme siècle ?
Coopération, Démocratie, émancipation : L’association que nous voulons !
Stigmatiser les salariés, diminuer la masse salariale et les aides au public reçu sont des réponses qui tuent l’associatif, l’éducatif, les solidarités. Le 21ème siècle associatif devra revenir à un examen de ses valeurs fondamentales appliquées à la gouvernance et au management.
Avec comme horizon des politiques toujours plus austéritaires, comment s’adapter à cet environnement économique et politique sans tomber voire sombrer dans la prestation marchande ou la charité dans ces »institutions »associatives ?
Dans le prolongement de la loi Hamon de 2014 , l’urgence est de rendre pérennes et suffisants les financements aux associations.
Le débat doit aussi revivre entre bénévoles, conseillers d’administration et salariés.
La controverse réglée et l’analyse critique sont à réinstaller ainsi que la place des « dissidents » qui sont aussi syndicalistes et qui doivent apporter leur contribution sans être chassés de l’agora que doit rester l’association.
Adhérents des associations gestionnaires, conseillers d’administration salariés, syndicalistes, dénonçons partout où ils s’exercent ces abus de pouvoir qui dénaturent l’objet associatif et maltraitent les salariés de leurs établissements.
Marc Dumond, formateur en travail social, membre élu de la Commission Exécutive de l'Union Syndicale Départementale CGT Santé et Action sociale .
Crédit photographique : Merci à la Photothèque Rouge/GP